La photo de couverture date de mon cinquième anniversaire (si je compte bien le nombre de bougies). Elle présente une double exposition accidentelle. On y voit, floue, Marie-Louise, mon arrière-grand-mère, et on y voit le bras de René, le mari de ma marraine, qui est mort d’un cancer du poumon. Moi, je suis un enfant mais l’on me reconnaît bien — malgré mon maquillage de clown difficilement visible sur la partie surexposée.

Mon côté clown est-il difficilement visible ? Autrement dit, mon côté Auguste se fond-il dans mon côté clown blanc ? Plus le temps passe, plus je trouve qu’enfant je ressemble à la petite fille de « Cría cuervos ». Et cela me convient.

Certains trouveront que j’enfonce des portes ouvertes, joue la carte du vintage avec mon indie lo-fi et ma photo argentique ratée des années 1980. Ils auront peut-être raison ; c'est vrai qu'on n'en peut plus de ces petits cœurs fragiles des home studios qui nous bassinent depuis les années 2000. On fait ce que l’on peut. On fait ce que l’on veut. Et surtout, on fait ce qui pour nous a du sens.

J’ai appelé l’EP « Les Mondes » parce que je pense qu’il y en effectivement plusieurs — selon ce que l’on perçoit et selon ce que l’on est perçu. L’arcane XXI figure un androgyne au centre d’un “œuf” aux contours tressés de fleurs ; aux angles, les quatre évangélistes du tétramorphe et les quatre représentants des coupes, épées, deniers et bâtons. « Malgré toutes les déconvenues » pour l’ange, « Dégager des perspectives » pour l’aigle, « Une question d’endurance » pour le bœuf… Mondes émotionnel, intellectuel, matériel… Et pour finir, « Vers le grand éclat de rire ? », pour feu sacré, libidinal et joyeusement créatif : le lion.

Musicalement, on y retrouvera ma patte habituelle (mélodies douces, décalages de phase, signatures rythmiques complexes, harmonies…) et quelques surprises comme le choix de faire durer les choses, de laisser l'oreille et l'esprit s'installer dans une trame.